Les rencards de Phil Marso

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MARC JOLIVET "DECHARGE D'ADRENALINE !"

"Vaisselle cassée, pan ! pan ! fessée... Vaisselle foutue, Pan ! Pan ! Cul ! Cul !" chantonne, la petite Camille dans les bras de Marc Jolivet. Entre "Gnou", il n'y a pas la langue de bois. Même pour un écologiste dans l'âme...C'est plutôt du rentre-dedans pour la bonne cause : la critique ! L'interview se transforme en débat, mais pas en ébats que l'on se rassure... Marc Jolivet à le mérite de contenir mes assauts textuels. J'aurais dû refuser sa tasse de café, car je démarre toujours au quart de tour après l'absortion de ce breuvage.

- Qu'est-ce qui vous enfièvre le plus pour monter sur scène : le cachet ou le suppôt de l'égo ?

M.J : Ni l'un, ni l'autre, un peu de l'un, un peu de l'autre. Surtout le côté sportif, j'ai besoin de décharger l'adrénaline.

- Vous en avez vraiment besoin ?

M.J : Absolument ! Sinon, il faudrait que j'abatte des arbes.

- Euh... pour un écologiste, ça la fout mal.

M.J : Ah ! Ah ! Ah ! Il y a des endroits ou il faudrait abattre du béton, des immeubles.

- Tout le monde parle de portable dans les dîners du show-bizz, mais êtes-vous sortable ?

M.J : J'ai fait un sketche sur le porteur du portable.

- Etes-vous alors sortable comme le portable ?

M.J : C'est pas très clair ! J'ai du mal à vous suivre... (Il prend le ton d'un psychiatre en consultation). Vous voulez savoir si je suis sortable ? Euh... Je ne fréquente pas le show bizz. J'adore l'anonymat.

- Internet est dépassé grâce à votre cyber-pote. Est-ce que la 1ère génération date du temps des bistros de quartier où la science humaine s'apprenait dans un verre ?

M.J : C'est dans les bistrots de quartier qu'est l'avenir de l'humanité. Mon spectacle dénonce la déshumanisation.

- Notre cher Jean-Marie.... chef des dahus est encore à l'honneur. Mais ne faudrait-il pas mieux dénoncer son programme que l'homme ?

M.J : Je dit : Les gens n'ont pas élu Hitler parce qu'il était anti-sémite, mais parce qu'il amenait la Wolvagen, la voiture du peuple. C'est toujours la même chose aujourd'hui. Les gens ont envie de voter Front National, parce que ce sont des bosseurs. Ils sont organisés comme les S.A. En période de crise, les gens ont besoin de çà.

- Cela n'engage que moi... Mais, ne faudrait-il pas taper plus sur le programme du F.N que sur son leader.

M.J : Oh si, les hommes politiques attaquent de front dans les débats. Racismes, Xénophobie...

- Il n'y a pas que cela. Dans leur programme à la rubrique "Institutions" ils disent : " - Lutte contre les lobbies et les féodalités politique, syndicales et associatives". En clair, le F.N supprime les syndicats.

M.J : Bien ! Bon élément...

- Une nouvelle fois vous mettez en avant votre complicité sur scène avec Christophe de Barralon. Combien de temps dure cette liaison fatale ?

M.J : Depuis 1988, au Café de la Gare où il faisait l'Européen. C'était très court. Ensuite au Tristan Bernard, il faisait l'entracte. Et au Palais des Glaces, il interprêtait le régisseur.

- Par rapport à d'autres comiques, vous êtes plutôt audacieux en intégrant Christophe de Barralon. Vous auriez pu continuer votre one man show, peinard.

M.J : Et prendre plus de blé ! Cela ne m'intéresse pas car j'aime partager la scène. Christophe a du talent. Je vais même jusqu'au bout, puisqu'il pique ma place. J'ai pas d'égo.

- Le précédent one man show était au Palais des Glaces. Maintenant, vous êtes au Splendid, salle plus petite.Vous délocalisez ?

M.J : Absolument ! C'est un choix, tout le monde fait plus grand. Au Palais des Glaces, j'étais trop petit. J'aime bien que le public puisse me voir, c'est çà un spectacle d'humour.

- Effectivement, la mode est de voir des comiques se taper des grandes salles et parfois se ramasser.

M.J : Ils se goinfrent. Peut importe la qualité, ils ramassent du blé.

- Quand le présentateur Jean-Pierre Pernautl en recevant son "7 d'or" du J.T (Journal télévisé) déclare en substance : Je bosse dans une chaîne indépendante. C'est à hurler de rire. N'est-ce pas un bon départ de sketch ?

M.J : Ah bon ! J'ai essayé de faire un sketch sur la télé, cela n'a pas marché. Mon public n'en a rien à branlé.

- Votre expérience télévisée dans "l'AJT" (L'Avant Journal Télévisé)en rôle de présentateur, c'était percutant.

M.J : Je l'ai fait en 1992 avec Claude Sérillon. Mais, ils m'ont vite arrêté . C'est plus possible de le faire, maintenant. Les chaînes généralistes font endormir le Gnou. Il reste des possibilités sur le câble.

- Le problème des intermittents du spectacle n'est-il pas que trop de gens s'improvisent artistes. Un peu comme à l'époque où tout le monde voulait être médecins, avocat ?

M.J : En tant qu'intermittent du spectacle, je peux vous dire qu'il n'y a pas de règle, d'école. Il faut apprendre sur le tas pour y arriver. A partir du moment où la France est un pays de l'exception culturelle. Qu'est-ce qu'on a ? 1% de budget pour la culture. C'est ça l'intélligence ? Là, où l'on est le plus forts, c'est dans l'art. Il n'y a pas autant de salle de spectacles à New York qu'à Paris. Les intermittents du spectacle c'est notre force vive.

- N'empêche à la lecture d'une annonce "job",  soit de "Porte à porte" ou de "Casting", les jeunes sont prêts à déboursser pour un press-book de 2000f. Ne fait-on pas trop miroiter la carrière artistique ?

M.J : Sans doute, mais je ne pense pas qu'il y a trop d'intermittents du spectacle. Vu, le chômage qu'il y a. Il faut développer, il y a tellement de gens qui veulent faire ça. Au contraire, il faut élargir les budgets afin de produire plus de films. Il faut utiliser nos forces pour être compétitifs afin d'être un pays du vin, du cinéma, de la culture !

- Lors des grèves de décembre 1995 avez-vous eu une extinction de voie où planquiez-vous vos choux fleurs dans une banque suisse ?

M.J : Moi, j'ai voulu parler, mais on ne m'a pas laissé le faire.

- Le problème c'est que les comiques comme vous et d'autres critiquent à longueur d'année à travers des sketches, notre comportement de "Gnou". En décembre 95, les gens se sont réveillés. Et, là, côté comiques, il n'y avait plus personne.

M.J : Vous avez tout a fait raison. On a laissez les comiques s'exprimer sur des choses gentilles. J'aurai eu l'émission "les AJT" , j'aurais pris position pour les grévistes, les routiers. Soyons clair ! Je trouve que c'est inadmissible ! L'endroit où j'habite, je paye un crédit comme un loyer. L'autre jour, on me dit : vous êtes le seul à dire combien vous gagnez. Peut-être je gagne suffisament et normalement que je n'ai pas honte de le dire. La vespa est à moi. Cette maison où je vous reçois appartient à
une banque où je règle 10 000 f de loyer par mois. L'endroit me sert de bureau et d'appartement. J'ai un crédit sur 12 ans. Ma voiture de société, une volvo de 1990 m'a coûté 120 000f. Je m'en sert encore pour mes tournées. Je paye moi-même mes spectacles. Je suis endetté. Tous les soirs, la recette sert à payer les dettes. Je baisse mon cachet. J'espère toucher 1500f par soir. Je n'ai pas de compte en Suisse.

- Vous êtes indépendant, alors ?

M.J : Oui ! Je continue à faire des petites salles de trois cent places qui m'avaient acceuilli il y a une dizaine d'années. Je casse les tarifs que je pourraient surévalué. J'ai une politique globale que j'applique même si cela est parfois difficile. On dit : t'as Jolivet pour 25 000 F, comment ça se fait ? Bah ! Le type de la salle lui rendu service. Les mauvaises langues sous entendent : 25 000f , c'est qu'il n'est pas bon le Jolivet.  Les autres sont à 100 000 f.

- Je vous ai vu sur scène à trois reprises. Je vous trouve moins percutant. Qu'est-ce que vous dîtes de çà ?

M.J : Je l'ai entendu. Je considère que c'est faux. Maintenant, je joue davantage mon rôle d'humoriste qu'auparavent. Par exemple au lieu de dire à un patron : vous êtes un enculé ! Formule au 1er degrés... Il y a le second degrès : Si je puis me permettre, Monseigneur. La sodomie pratiquée tous les jours sans vaseline sur vos employés est peut-être une méthode qui
vous lassera. J'ai la sensation que la deuxième expression me semble plus percutante.

- Que la première ?

M.J : Je ne suis pas d'un tempérament méchant. Je vais où je veux. Je conçois que certaine personne soivent déçues et qu'elles me trouvent moins mordante. Qu'ils aillent voir, Bedos.

- C'est normal, vous n'êtes pas à votre 1er one man show. A la longue, on peut-être s'essouffler.

M.J : Certainement ! Mon spectacle est plus théâtrale. Je fais moins sur la politique étrangère. J'ai plus envie de dénoncer la déshumanisation de notre société.

- "Gnou" fait moins de rentre-dedans. Il faut dire que j'en ai vu tellement de comique sur scène. Il y a peut-être de ma part une lassitude.

M.J : Et un besoin que je ne comble pas. Ah ! Ah ! Ah ! C'est exactement çà. Les gens ont tellement envie de voir un type qui dirait : Putain ! Il y en a marre. (Marc Jolivet, les poings serrés gigotte sur le tabouret). Quand je dis sur scène : "Peuple de Gnous, réveille-toi, l'heure de la révolte a sonné. La savanne nous appartient. La chasse aux dahus et aux pudding est ouverte. Révoltons-nous. Il faut tuer le Gnou, cette bête immonde qui sommeille au fond de nous. Il y a du docteur Dr Jekill et du
Mister Gnou". Si ma satire n'est pas claire avec le vocabulaire que je dis au début... Je n'ai jamais été aussi violent. Simplement, j'adoucis le propos car je reste dans la comédie.

- On pouvais s'attendre à toute une épopée sur le "Gnou". Ors, vous en parlez peu pour permettre au public de s'ouvrir sur d'autres portes.

M.J : Voilà ! Vous avez tout compris. Si j'étais dans la salle, je dirais peut-être : "va s'y ! On a besoin de toi. Mets leur en plein la gueule !!!". "Gnou" est plus hargneux que d'habitude car c'est plus vicieux.

- Une anecdote ?

M.J : Un mec, l'autre jour a téléphoné au Splendid pour dire : Dites-vous bien que vous avez eu tort de programmer Jolivet, il est trop social. Et bien, j'appelle pour vous dire que je ne prendrai pas de place. C'est génial, non ?

 

Propos recueillis par Phil Marso

Interview publié dans l'hebdomadaire "Média Pub" le 27 février 1997.

 

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